Monuments
Les arènes
En Petite Camargue, le monde de la bouvino, manadiers, gardians, raseteurs, aficionados, est porté par une passion commune, celle du taureau.
Baptisé au début du 20ème siècle par les manadiers-félibres, « le temple de la bouvine », LE CAILAR, de part, sa situation occupe une place centrale dans la Petite Camargue.
Les arènes de la Glacière, en raison leur emplacement au cœur du village, la forme irrégulière de la piste, l’ombre des platanes, la proximité du bar font de ce lieu, un lieu d’expression de la culture taurines, certes, mais également un lieu de sociabilité, d’échanges, de vie.
Ce terrain a depuis très longtemps une vocation taurine. L’histoire nous signale que le 11 Septembre 1754, M. DE BACHI, Marquis d’Aubais et du Cailar, organise une ferrade de 70 bêtes sur ce lieu.
Mises en service en 1905, pour remplacer le rond de charrettes habituellement utilisé sur le « Cancel » (place du village) pour les courses de taureaux, les arènes du Cailar ont été construites sur une ancienne aire de battage, et le toril, à l’emplacement de l’ancienne glacière.
Dans un premier temps, les spectateurs se tenaient debout sur des charrettes disposées tout le tour du mur d’enceinte. Plus tard, la construction de théâtres en bois appartenant aux familles aisées, la mise en place de poteaux servant de barrières pour délimiter la piste, apportaient une certaine amélioration au confort de chacun.
Les gradins sont construits dans les années 50 et dessinent les arènes que l’on connaît aujourd’hui. Les arènes peuvent réunir jusqu’à 850 spectateurs.
Bientôt ouvertes en dehors de courses de taureaux ou des festivités organisées par le Club taurin, les arènes restent un lieu d’attractivité local. Le point d’orgue de son activité se situe pendant la fête votive, la 1ère semaine d’août, où pendant 9 jours, les arènes sont ouvertes à tous.Les courses de taureaux sont pour la majorité gratuites, ouvertes à tous (des places sont réservées aux personnes à mobilité réduite) honorant la traditionnelle servitude liée au « droit de dépaissance » qui consiste à offrir un spectacle taurin à la commune en fête. Les manadiers locaux contribuent à maintenir la dynamique de l’échange.
Les arènes du Cailar sont un élément du patrimoine culturel régional. Cette particularité lui a d’ailleurs valu d’être inscrites, par arrèté en date du 18 janvier 1993 de Monsieur le Préfet de Région, à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Les 4 éléments protégés : Enclos – Arbres – Toril – Buvette
L’église Saint-Etienne
L’Eglise Saint Etienne, fleuron patrimonial de la Commune, se dresse telle une vigie au centre du village.
Ce bâtiment de style roman dont l’origine se situe au IXème siècle, peut être au Xème, a connu diverses vicissitudes. Partiellement détruit pendant les guerres de religion, reconstruit au XVIIème siècle, brûlé en 1703, il a acquis son aspect actuel au cours du XVIIIème siècle.
L’Eglise Saint Etienne est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques donc par définition, «c’est un bâtiment protégé par l’administration en raison de son intérêt artistique, architectural ou historique pour le préserver de la destruction et l’entretenir en bon état».
La porte est surmontée d’un arc à plein cintre roman. Les chapiteaux enchaînés dans les murs sont de style corinthien.
Le sommet de la façade est bordé d’une balustrade renaissance qui relie les deux tours. Le clocher carré forme saillie vers l’avant . Les fenêtres de son encadrement supérieur sont gothiques. A droite, une petite tourelle terminée en 1775 contient l’escalier menant à la toiture.
Mémoire vivante du passé, la disparition par manque d’entretien de l’Eglise Saint Etienne creuserait un vide tant sur le plan esthétique du village que sur le plan identitaire de ses habitants qui s’effectue également au travers de la mémoire du lieu qu’ils côtoient. C’est un devoir aujourd’hui que de préserver ce bâtiment pour le transmettre aux générations futures.
Des embellissements furent apportés à l’intérieur de l’Eglise au cours du XIXème siècle par les soins et sur les propres deniers par l’Abbé THIBON, curé du Cailar en 1854. Ils prirent la forme de peintures à fresques, dans le goût de l’époque.
Cent ans plus tard, vers 1960, les Abbés Laurent et Legal avec l’aide de l’administration des Beaux Arts, des monuments historiques et de la municipalité, surent faire renaître ce sanctuaire construire en pierres de Vers, en donna à nouveau à la nef, aux autels latéraux, au baptistère leur aspect du XIIème siècle.
Des travaux de rénovation surtout à l’intérieur de l’Eglise ont été effectués il y a 25 ans. Depuis, l’entretien nécessaire a été assuré, portant notamment sur la toiture. Les pierres de façade présentant également quelques dégradations localisées à la balustrade supérieure ont donné lieu à des travaux de réfection réalisés par une entreprise spécialisée dans la restauration des monuments anciens.
Plus récemment, des travaux de consolidation et de mise en sécurité ont dû être réalisés sur la tour Nord.
Malgré ce, l’état actuel de l’Eglise Saint Etienne a poussé la Commune à commander un diagnostic du monument. Cette étude a pour objectif d’identifier les désordres du bâtiment afin de proposer un projet de restauration chiffré. Ce diagnostic fait état de la nécessité de réaliser des travaux sur la façade Ouest, le clocher et la tourelle d’escalier (partie inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques) mais aussi sur les éléments non inscrits.
Le Temple
Le 9 Mai 1954, un rassemblement eut lieu dans le Temple du Cailar, c’était pour fêter la fin de la rénovation de ce bâtiment religieux ; a cette occasion, M. Léon PASQUIER, instituteur et historien, retraça l’histoire et l’origine du culte protestant sur le village et toutes les étapes qui ont permis la construction du bâtiment que nous connaissons à ce jour.
La construction du Temple a commencé en Février 1818 et terminé fin Octobre de la même année.
43 ans plus tard, le Temple est interdit d’accès pour vêtusté et les premières restaurations auront lieu 10 ans plus tard.
Durant ces 10 ans, on célébra le culte dans une grange louée à David MAROGER. Cette grange était trop petite pour recevoir tous les protestants de la localité.
En 1846, il y a 108 ans, sur 1183 habitants, Le Cailar comptait 992 protestants.
Plafond, nouvelles croisées, tribunes, clocher, presbytère, ont été réparés, transformés ou construits «au temps de M. NEGRE» , en 1861.
La cloche fondue en 1839 avait attendu 22 ans sa mise en service.
130 ans plus tard, on s’aperçoit que le plafond se fendille, que les plâtras s’en détachent…
Une campagne en vue de rendre au Temple la décence qui lui convient fut amorcée par Monsieur le Pasteur CHAMSON, elle a été poursuivie par son successeur Monsieur le Pasteur BONNAIRE et a été menée à bonne fin.
Toiture, plafond, murs, bancs … Tout ce qui était vétuste, délabré a été remis à neuf quand cela a été jugé nécessaire ou réparé, et notre Temple a aujourd’hui l’aspect correct et décent qui convient à la Maison de Dieu.
Tombe du Sanglier
« Je suis né un jour de 1916 dans les prés du Cailar *. Ma mère « Caillette » était une vache déjà âgée et fragile et ma venue au monde a été très difficile pour elle ; elle mourut au petit matin me laissant désemparé à côté d’une laie qui avait aussi mis bas. Mon envie de vivre me fit boire le lait au pis de cette laie et je me ragaillardis prenant assurance et force.
Un matin, Claudius, le facteur du village, faisant sa tournée en vélo eut une envie pressente et se soulagea contre la haie du pré. Il faillit en pisser sur son froc tant ce qu’il voyait lui paraissait irréel ; un veau tétant une laie ! Ni une , ni deux, il enfourche son vélo et fonce vers le village voir le manadier Fernand Granon, en criant :
– « Monsieur Granon, La Caillette a mis bas et son veau tète au pis d’une laie ! » –
Monsieur Granon pensa que le soleil avait dû taper sur la tête de ce pauvre facteur ! Un veau tétant une laie !!!!
Après une insistance, il suivit le facteur, une partie du village aussi, pour voir combien le soleil du midi pouvait donner des mirages à un pauvre hère !
Ils me trouvèrent comme il avait été dit et Monsieur Granon, après avoir fait le nécessaire pour la Caillette me prit dans son domaine. Il m’éleva dans sa cuisine au biberon et dès que je le pus, je fus mis dans les prés auprès de mes congénères; je m’ennuyais auprès d’eux, j’étais assez solitaire et mon nom fut tout trouvé, on m’appela « LE SANGLIER ».
À l’âge de 3 ans, je fus mis dans les arènes, la course a été mémorable, il y a même eu un raseteur qui mourut de peur après la rouste que je lui infligeai. Fallait pas trop me titiller…
Je pris alors mes lettres de noblesse, et fus sollicité en piste maintes et maintes fois. Les primes s’envolaient ; les gradins étaient combles ; les gens arrivaient par car, par train pour me voir, moi le roi de la piste. Une fois même, le train était si surchargé qu’il ne put gravir une petite montée, et tous ont du descendre pour soulager la locomotive… j’en ai défrayé des chroniques, des mises se sont jouées sur mon nom ; des raseteurs ont eu des gratifications importantes pour me raseter… Le rasteur, REY s’est même vu offrir une voiture pour aller à ma tête. C’est dire combien j’étais le roi de la piste; Mais j’étais si doux quand je me trouvais dans les près ou au domaine de mon maître ; je l’aimais comme lui m’aimait et me respectait. Nous étions de la même trempe, ne l’appelait-on pas le « Centaure du Cailar » ?
Une fois dans les arènes d’Arles les portiers ne m’ont pas ouvert les portes du toril après mon quart d’heure passé en piste et je dus continuer à concourir en piste, j’ai fait mon travail au mieux, tapant, cognant, défendant mes attributs… Monsieur Granon est alors rentré dans une colère noire, une colère comme les hommes de sang peuvent en avoir et jura que plus aucun taureau de sa manade ne foulerai la piste d’Arles; il tint parole.. Car la parole en ce temps là était d’or.
Les années ont passé, les courses se sont enchaînées, toujours avec autant de caractère, de force ; je faisais l’admiration, mais je faisais peur aussi, j’essayais bien de m’amuser un peu comme cette fois où lorsque l’on ouvrit la porte du toril, le portier d’Aramon, Monsieur Vire, (habitué pourtant à me voir car j’ai souvent couru dans les arènes d’Aramon) s’abaissa et ne laissa que dépasser le dessus de sa tête au dessus des barrières. j’ai fait celui qui ne le voyait pas, je suis rentré tranquille et… d’un seul coup, d’un seul et de toute la vitesse, je me suis retourné et j’ai foncé sur le portier ! Le malheureux !!! je l’ai soulevé, une fois, deux fois, trois fois et je l’ai plaqué en contre piste… On m’a dit qu’il en est mort… mais je ne voulais que m’amuser… je suis en principe si gentil, (hors piste).
En 1930, 12 000 personnes sont venues me voir pour une dernière course dans les arènes de Nîmes ; une course brillantissime, une journée de triomphe.
En 1931, une dernière ovation dans les arènes de Lunel et le summum, le Président de la République, Gaston Doumergue et sa Dame sont venus à Aigues-Vives me saluer avant mon retour définitif aux prés. Le petit village était comble de gens venus me voir et me dire au revoir, il y en avait même sur les toits , sur les arbres entourant les arènes.
Mon temps dans les prés ne me satisfaisant pas, un soir, je pris la poudre d’escampette, en sautant les barrières, allant le long des routes jusqu’au domaine de mon maître.
Au petit matin, celui ci fut réveillé par des ouvriers agricoles aux cris de – « E ! Monsieur Granon, le biòu est devant la porte ! » En effet, j’étais là, tranquillement allongé, attendant que celui ci m’accueille.
Il me fit entrer, m’installa dans sa cour, me porta à manger tous les jours et chaque soir j’avais droit à son bonsoir.
Un jour le 22 octobre 1933 au petit matin, il me retrouva mort, les cornes plantées dans une balle de foin comme un dernier adieu à une dernière gloire dans les arènes.
Il fit prendre ses plus beaux draps blancs, neufs, en fit envelopper ma dépouille et je fus enterré debout dans les prés. Il honorait ainsi ce temps où j’avais porté haut les couleurs de sa manade. »
Aucun autre taureau jamais ne porta le nom de « SANGLIER »
« Si un jour, vous passez au Cailar, venez me saluer, et peut être entendrez vous mon histoire, ma stèle se trouve dans le rond-point à l’entrée du village. »
22 Octobre 1933 : Lou biou es mort : Léon THIERS le gardian le découvre au fond de la remise – Avec Albert CHABAUD, ils le chargent sur une charrette et s’en vont l’enterrer sur l’ordre de Fernand GRANON au grand carrefour – là une stèle surmontée de deux tridents et d’une cocarde aux couleurs de la manade sera édifiée – Aujourd’hui, plus de soixante quinze ans après, la stèle soigneusement entretenue témoigne toujours de la ferveur et d’une vénération au Sanglier-Dieu.